La musique résonnait dans les couloirs des bureaux de la section Recherche et développeent du Mi6, en provenance de la petite case attribuée à Eleonore Miller. La jeune femme travaillait depuis déjà plusieurs années dans l'agence de super-espionnage anglaise, mais elle n'avait jamais déménagé de là. De fait, les quatre cloisons qui l'entouraient commençaient à prendre une teinture de leur propriétaire : photos, notes, post-it, calculs, codes ou listes de vocabulaire étaient éparpillés de-ci, de-là, épinglés, collés, scotchés ou en tas sur le bureau. Pour l'instant, la tête brune était collée à son écran. Elle testait l'un des derniers logiciels de protection de donnés développés par l'un de ses collègues de talent, tentant d'en trouver les failles, les notant avec minutie sur une page d'un calepin. Au contraire, elle notait aussi les points qu'elle trouvait particulièrement réussis – ça, c'était son truc. Elle n'aimait pas les critiques exclusivement négatives, et pensait qu'il était davantage utile au créateur du logiciel de savoir où il avait eut un trait de génie, l'encourageant à le réutiliser une prochaine fois par exemple.
Alors que ses doigts allaient à toute vitesse sur son clavier, tentant de décrypter le fichier caché, son ordinateur émit un léger son qui interrompit quelques secondes la chanson. Il l'informait qu'elle venait de recevoir un mail. Leo regarda en bas à droite de son écran : elle ne connaissait pas l'envoyeur, mais il possédait une adresse du Mi6. Elle haussa les épaules et continua ce qu'elle était en train de faire : qui que ce soit, cela pouvait attendre qu'elle ait fini. Elle était sur le point de découvrir une partie du fichier, elle en était certaine. Après une ultime manipulation, les lignes de code défilant sous ses yeux, elle appuya sur la touche Entrée. Une sourire apparut sur ses fines lèvres. Un fichier texte avait bien été décrypté, mais l'intelligent conceveur du logiciel avait installé une étape intermédiaire. Si le voyou n'était pas trop malin, il s'arrêterait là et penserait avoir trouvé ce qu'il cherchait. Elle inscrivit sur son calepin sa dernière découverte, notant précisément où elle en était pour pouvoir reprendre facilement, et ouvrit le mail.

Citation :

« L’agent 002 a besoin que Léo se présente dans son bureau dans les plus brefs délais. Si cette personne lit ce mail, qu’elle rapplique immédiatement. C’est urgent. Si elle est avec vous en ce moment même : prévenez là. »

La jeune anglaise fronça les sourcils. Aux dernières nouvelles, 002, c'était Wadou. Or, Wadou n'aurait d'une part pas envoyé le message à tout le Mi6, personne n'avait besoin de savoir qu'il quémandait l'aide de Leo. D'autre part, il n'aurait pas écrit un message aussi incisif et impoli. Enfin, il n'aurait ja-mais, au grand jamais manqué une occasion de lancé une pique à la petite informaticienne. Les rouages de son cerveau se mettant difficilement en marche, en finit tout de même, au bout de quelques secondes, à tomber sur la conclusion qu'il devait avoir conseillé ses services à un collègue. Ravie de pouvoir servir à quelque chose et convaincu qu'elle trouverait une autre façon de décrypter le fichier une fois que son esprit aurait changé d'air, la jeune Miller mit de l'ordre – hem hem – dans ses affaires, enregistra ce qu'elle avait fait sur son ordinateur, l'éteignit en prenant bien soin de crypter chaque passage, en plus des barrières automatiques du Mi6, et se leva de sa chaise après avoir éteint sa musique. Elle se saisit de son portable et se dirigea vers l'espace des double-zéros.
Tout en pianotant sur le clavier de son petit téléphone, répondant sur le trajet à quelques mails ou en lisant certains, elle pensait au message. Sec, abrupt, impérieux. Elle n'allait pas avoir à faire à quelqu'un de très agréable, semblait-il. Elle haussa les épaules lorsque l'image de Wade se forma dans son esprit. S'il l'avait recommandé, c'est qu'elle avait les épaules pour le supporter. Ou qu'il la mettait à l'épreuve, au choix. La seconde option était d'ailleurs fort probable, étant donné la propension de l'agent à la confronter à ses difficultés pour avoir encore plus de vannes à lui lancer. Elle arriva dans le couloir des double-zéros, légèrement intimidée. Tentant d'avoir l'air sure d'elle, elle se dirigea vers la porte du bureau de Wade, fermée. Avant de toquer, elle passa la main dans sa frange, signe de nervosité. Les trois coups résonnèrent comme des coups de pistolet à ses oreilles, la condamnant à rencontrer le yéti, qui allait probablement ne faire que deux bouchées d'elle et la renvoyer dans son bureau plus humiliée et consciente de ses faiblesses que jamais.
Mais il ne se passa rien. Leo inspira un grand coup et poussa la porte d'un coup de pied hésitant. Le bureau de 002 était vide. Elle regarda autour d'elle, l'air suspicieux. Si c'était une blague, elle était de mauvais goût. Autrement, elle n'y comprenait plus rien. Son premier réflexe fut de vérifier le mail sur son portable : en deux secondes elle fut sur l'interface, fit son mot de passe avec un grognement d'impatience face à ses nombreuses protections, et parcourut de nouveau la note. Il était bien spécifié que 002 avait besoin de Leo urgemment. Elle savait être la seule Leo du Mi6, et elle savait que Wade était le seul 002. Or, elle était devant son bureau.
Elle plissa les yeux, alertée, et regarda tout autour d'elle. Les portes des bureaux de certains autres super-agents étaient fermées, et jamais elle n'oserait toquer à l'une d'entre elle au hasard. Mais en face de celui de Wade se trouvait le petit bureau de 004, ouvert. Une tête blonde semblait concentrée sur Dieu seul sait quoi. Prenant son courage à deux mains, Leo s'avança, se racla la gorge et lança : « Euhm, excusez moi de vous déranger, Wade, enfin je veux dire l'agent 002 a envoyé un message pour moi, vous ne sauriez pas où il se trouve ni ce qu'il veut de moi ? » Elle ponctua sa requête d'un petit sourire mal assuré.