« Cap ou pas cap ? » Me lança-t-il pour la deuxième fois de la journée. Mais qu’est-ce qu’il croyait ? Que j’allais me défiler ? Mon regard s’ancra dans le sien et un sourire narquois se dessina sur ses lèvres. Combien de temps lui avait-il fallu pour trouver cette idée ? Probablement moins d’une minute à tout casser. Il n’en avait pas l’air comme ça, mais il était le Roi des idées à la con et de mon côté, je le suivais tête baissée depuis le premier jour où nos chemins s’étaient croisés. Contrairement à toutes les autres filles de mon âge, je ne jouais pas aux poupées, à la marelle ou à la dinette, même si mes parents m’offraient pour mes anniversaires de quoi faire le bonheur de n’importe quelle gamine. Moi, mon truc, c’était d’imaginer des aventures, explorer des coins perdus et faire des trucs complètement fous avec mon meilleur ami Alex, quitte à m’attirer les foudres de notre institutrice entre autres choses. Est-ce que c’était de ma faute à moi si j’avais plus ou moins déteint sur mes trois idiots de frères ? Et encore, personnellement, je trouvais que je m’en sortais plutôt bien vu que contrairement à eux, je ne me battais jamais avec qui que ce soit même si parfois ça me démangeait de mettre une paire de gifles à qui de droit.
« Cap. » Répondis-je avec aplomb avant de descendre de ma balançoire et de me diriger vers le fond de la cour de récréation où se trouvait celui que tout le monde surnommait « le gros Barney » et qui terrorisait la plupart des élèves de l’école que nous fréquentions. Le plan était le suivant, je m’approchais le plus discrètement possible de ce monstre qui faisait quand même une bonne tête et demie de plus que moi, je lui chipais son goûter (ce qui relevait de l’acte suicidaire) et je repartais comme si de rien n’était. S’il me surprenait dans mon forfait, je perdais mon défi en plus de perdre la vie dans d’atroces souffrances, mais si je m’en sortais sans la moindre égratignure alors je menais la partie jusqu’au prochain tour où je devrais m’efforcer de trouver un challenge à la hauteur de celui qui devait être en train de m’observer avec attention depuis sa balançoire. Deux vols en moins d’une journée, à ce rythme là, il ne me faudrait que très peu de temps pour devenir une véritable criminelle. J’esquissais un sourire à cette idée avant de me concentrer sur l’épreuve qui m’attendait. Le plus dur ne serait pas de me faufiler à ses côtés, il était trop occupé à chercher son prochain souffre douleur parmi mes camarades pour me remarquer, cependant me saisir de ce qui devait être un sandwich bacon, oignons, cornichons, serait plus compliqué étant donné qu’il avait le don inné de repérer quiconque s’intéressait de trop près à son goûter. Oserait-il frapper une fille ? Je l’avais déjà vu en faire pleurer, mais les cogner… Qu’est-ce que je racontais, évidemment qu’il me démolirait s’il me prenait sur le fait, quand il était question de nourriture « le gros Barney » était littéralement enragé, comme si ses parents ne le nourrissait jamais assez. Sur la pointe des pieds, je franchis les deux derniers mètres qui me séparaient de lui, songeant l’espace d’une seconde que de là où il se trouvait, Alex devait bien se marrer. Je retins alors ma respiration, tendis lentement mais sûrement la main vers le sachet tâché de gras et m’en saisit avec une rapidité qui me surprit assez tout comme le bruit de papier froissé. La poisse… Mon rythme cardiaque doubla en moins de temps qu’il ne faut pour le dire tandis que mes yeux cherchèrent désespérément un endroit où me dissimuler. A moins de devenir invisible dans les dix prochaines secondes, je n’avais aucune chance de m’en sortir. Dommage, moi qui rêvait d’une mort fantastique, j’allais mourir le crâne écrasé par les mains de ce gorille affamé qui avait déjà redoublé deux de ses classes sur quatre. Les yeux hermétiquement fermés dans un ultime réflexe de survie, j’attendis qu’il s’aperçoive finalement de ma présence et m’attrape par le col pour ensuite me martyriser de façon plus que violente, mais rien ne se produisit. Les mains crispées sur le sac contenant le sandwich du molosse, j’attendis tout de même une bonne minute avant de me risquer à regarder ce qui se passait autour de moi. « Le gros Barney » n’était plus assis sur son banc, ni même debout à proximité de ma maigre carcasse prêt à m’étriper, il était tout bonnement en train de vaquer à ses occupations habituelles de grosse brute, à savoir s’en prendre aux plus petits et aux plus faibles que lui, et n’avait absolument rien remarqué de ce que je venais de faire. Soulagée et contente d’être encore en vie malgré ce faux pas, je me mis alors à courir à toute vitesse en direction du cagibi où était entreposé le matériel de sport et où m’attendait Alex, royalement vautré sur un tapis de gym.
« T’en as mis du temps…» Lança-t-il toujours avec ce sourire narquois aux lèvres.
« Hé ! J’te signale que j’aurais pu me faire aplatir ! » Protestais-je en lui lançant le sac à la figure, presque indignée de l’accueil qu’il me faisait, moi qui avait risqué ma vie pour un sandwich qu’aucun de nous n’avalerait au final.
« Tu veux qu’on arrête ? » Me demanda-t-il tandis que je me décidais à prendre tranquillement place à ses côtés.
« Tu serais pas en train de te dégonfler toi ? T’as peur que je te donne un défi trop dur ? » Rétorquais-je alors que mon cœur reprenait son rythme normal et que l’adrénaline qui avait brûlé mes veines peu de temps auparavant disparaissait lentement mais sûrement de mon organisme.
« Moi, me dégonfler ? Tu rêves ma vieille ! Aucun des défis que tu me trouveras ne pourra m’arrêter ! Tu flancheras avant moi ! » S’exclama-t-il en se tenant là, fier comme un paon.
« Tu rêves… » Soufflais-je en souriant. Je n’arrêterais pas, jamais. J’avais pris gout à cette idée de continuellement repousser mes limites et je ne me sentais plus capable de vivre autrement maintenant que je baignais dedans jusqu’au cou, et puis de toute manière je ne pouvais certainement pas le laisser gagner ma fierté personnelle m’en empêchait.
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POURQUOI AS-TU VOULU DEVENIR UN ESPION POUR LE Mi6 ? Si je vous dis que tout a commencé avec un pari vous me croyez ? Non ? Eh bien pas de bol pour vous, cette fois je ne vous raconte pas d'âneries. A la base c'était juste pour le fun, un défi de plus à ma collection. L'idée, c'était d'entrer passer les tests, réussir et me tirer avec la satisfaction d'avoir gagné mon pari et la potentielle occasion de pouvoir m'en vanter auprès de mon entourage. Je suis entrée, j'ai passé les tests, j'ai réussi, je suis plus jamais repartie, comme quoi y a que les cons qui changent pas d'avis.
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QUE T'INSPIRE LE FAIT DE TUER ? Quand on est un simple agent, la question ne se pose pas puisque nous n'avons pas le droit de tuer qui que ce soit, mais quand on passe au statut de double zéro, il est évident que l'on ne peut pas éluder le sujet. Comment est-ce que ça va se passer ? Est-ce qu'on va réussir ? Est-ce qu'on va supporter l'idée ? Un tas de questions qu'au final on oublie lorsque l'on appuie enfin sur la gâchette. Certains n'y arrivent pas, d'autres le font mais sont marqués pour toujours par leur geste et finissent derrière un bureau. Personnellement, je crois qu'il ne faut pas oublier que l'autre en face ne sera certainement pas pris de remords devant notre cadavre, alors on autant faire en sorte d'être celui qui reste debout plutôt que celui qui finira entre quatre planches.
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QU'APPORTES-TU AU MI-6 ? Mon charme. Après tout, les double zéro de sexe féminin ne sont pas légion... Plus sérieusement, il n'y en a pas deux comme moi. Le mot échec ne fait pas partie intégrante de mon vocabulaire aussi je termine toujours ce que j'ai commencé. Je suis une excellente tireuse que ça soit avec une arme de poing ou un fusil longue portée. Je suis la professionnelle des tirs parfaits dans des angles improbables. Je suis également une grande observatrice, du genre à remarquer tous les détails que les autres ne voient pas ce qui est souvent très utile pour faire avancer les choses ou même me sortir des situations les plus périlleuses. Sinon je vous ai dis que j'étais très douée pour baratiner les gens ? Non ? Je suis bavarde c'est un fait, mais pas que. Je sais manipuler les mots pour manipuler les gens, le mensonge ça me connait et beaucoup tombent dans le panneau y comprit les détecteurs... ce qui en soit est plutôt important quand on fait un job comme le mien, non ?
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ET QUELS SONT TES POINTS FAIBLES ? Il parait que je suis têtue. Personnellement je dirais déterminée, mais il parait que ce n'est pas la même chose et du coup, ça m'attire parfois des ennuis parce qu'en général quand j'ai une idée en tête c'est très dur de me faire changer d'avis voir impossible. Mais dois-je rappeler que sans ce que les autres considèrent comme un défaut voir même une faiblesse, certaines missions n'auraient pas été un succès ?
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PLUTÔT SPORTIF OU RUSÉ ? Les deux, ce qui est plutôt souhaitable quand on est double zéro et qu'on veut rester en vie encore un petit moment. Il faut savoir courir pour sa vie, pour rattraper son ennemi, mais il faut aussi savoir la jouer fine, manipuler les gens, transformer une situation anodine en un piège parfait, maitriser l'art du système D pour s'extirper des situations délicates. Contrairement à ce que l'on croit, les gadgets ne font pas tout...
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TON OBJET FÉTICHE ? Mon flingue. Je ne m'en sépare jamais ce qui fait que je suis toujours prête, comme les scouts mais en plus dangereuse. Ca et mon briquet en argent... et aussi mon poing américain, parce que parfois faire les choses à l'ancienne, y a que ça de vrai...
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PARLE MOI DE TES PENCHANTS AMOUREUX ET DE TA SITUATION ACTUELLE ? Eh bien je suis célibataire et foncièrement hétéro. Mes relations avec les hommes ne durent en général pas plus d'une nuit, mais mon plus grand exploit est d'avoir passé un mois avec le même homme. Dingue hein ?
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ET TON PLUS GRAND RÊVE ? Un monde utopique où les hommes seraient nus et muets... Plus sérieusement, pourquoi pas la place de M ? C'est un défi comme un autre et étant donné que j'aime les challenges...
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QUE DIRE DE TON SENS DE LA PATRIE ? Il est sans limite et s'il y a bien une chose pour laquelle je suis prête à mourir, c'est ma patrie. Cependant, si ça doit arriver cela sera parce qu'il n'y aura pas d'autre solution et avec une certaine classe tant qu'à faire.
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QUELLE A ÉTÉ TA MISSION LA PLUS RÉUSSIE ? Rare sont les missions que je ne réussis pas, car soyons honnêtes si je les foirais toutes, je ne serais certainement pas double zéro. Bah oui qu'est-ce que vous croyez, on prend pas un bédouin au hasard dans la foule pour sauver le monde, autant jouer à la roulette russe y aura plus de chances de survie. Enfin bref, revenons-en à nos moutons...ma mission la plus réussie, non on va dire la mission dont je suis la plus fière ça sera mieux. DONC, celle dont je suis très satisfaite c'est l'une de celles que j'ai effectuée y a pas si longtemps que ça dans la province perdue du Kamtchatka en Russie, là où il fait minimum moins quarante. Démantèlement d'un réseau terroriste qui vendaient des armes biologiques à travers le monde, faisant circuler le tout à bord de sous-marin de classe Typhon, de quoi amorcer une troisième guerre mondiale en bonne et due forme.
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ET TON PLUS MAUVAIS SOUVENIR EN TANT QU'ESPION ? Vous savez je me suis toujours demandée pourquoi dans les films quand un type dit à un autre "ne regarde pas en bas", ce dernier le fait quand même. Eh bien maintenant je le sais. On ne peut pas s'en empêcher, on a toujours besoin de savoir, de voir...c'est dans nos gênes. L'une des règles de base que l'on nous enseigne au MI-6 c'est de ne jamais se retourner quand on court, ce qui en soit est très logique parce qu'en regardant derrière on ne regarde pas où on met les pieds devant, eh bien comme le mec dans le film, je me suis retournée et ça m'a couté cher. Je n'étais pourtant plus une novice, j'avais déjà un tas de missions au compteur, mais ça ne m'a pas empêchée de me retourner, juste pour voir si Alex suivait. Je me suis lamentablement vautrée, il m'a relevée et m'a ordonné de continuer, ce que j'ai fais. A cause de ça, les minutes qu'il a perdues pour m'aider lui ont été fatales, il s'est fait attraper et là dessus les consignes sont claires, les agents prisonniers sont sacrifiés, une idée difficile à avaler quand il est question de son meilleur ami.
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TA PIRE ADDICTION ? La Clope ? L'alcool ? Le sexe ? Trop classique ? Alors indéniablement l'adrénaline et les défis, tout ce qui fait que je repousse un peu plus chaque jour mes limites et pimente mon existence.