Rhapsody Elphaba Renfield. Anglaise, trente-deux ans. Petite brune aux yeux marron, diplômé d’Oxford. Employée en développement de logiciel pour Microsoft. J’imagine que c’est ce que les gens veulent entendre quand ils vous demandent qui vous êtes. Ils ne cherchent pas à savoir qui sont vos parents, quelle a été votre enfance, comment s’appelait votre première peluche. Où est-ce, que vos parents ont-ils été, pigé un nom aussi ridicule. Ça, on s’en fiche. Ça n’intéresse personne. Peut-être est ce mieux ainsi. Aux yeux du monde, je ne suis qu’une femme parmi tant d’autres. Une enfant qui a grandi dans un milieu équilibré et qui a trouvé sa vocation. Qui a bien réussi dans la vie. C’est facile. Ça évite de se poser des questions. Cependant, je ne me résume pas à ça. Je ne suis pas une fille des riches quartiers, une enfant sage et douce qui avait tout pour réussir. Ma vie est un chemin rempli d’embuches. J’ai seulement appris que l’on n’avance pas dans la vie en trébuchant. À un certain moment, il faut apprendre à se jouer du courant pour ne plus tomber dans les flots glacés. Je suis née le lendemain du jour de l’an, un jour gris et froid, à ce que l’on raconte. Ma naissance eut lieu dans un quartier défavorisé près de Bristol. Je passerais les six premières années de ma misérable existence dans un petit appartement aux murs de papier, aux pièces sombres et traversées de courant d’air. Mon père est un ancien militaire. Du moins, c’était ce que l’on racontait. Il avait déserté. L’Armée, ce n’était pas pour lui. J’imagine que c’est un homme qui a vu ses espoirs se fracasser avec violence, puisqu’il passait ses journées à se noyer dans l’alcool ou magouillait dans des ventes de drogues ou de faux papiers. Ma mère avait voulu, un jour dans sa jeunesse, devenir danseuse étoile. Elle était atterri misérablement sur les comptoirs des boites de Striptease à moitié nue. Arrondissant ses fins de mois en vendant un peu de plaisir a ses plus riches clients. De sorte que je ne sus jamais si mon père était vraiment mon père. Ça m’importait peu. Ce n’est pas comme si je tenais vraiment à être sa gamine non plus. De mon enfance, je me souviens de peu de choses. Jamais rien de plaisant. C’était comme si je n’étais pas là. Je ne compte plus le nombre de fois où l’on oubliait de me nourrir. Comme si je n’avais été qu’un chien. Bien qu’à bien des égards, un chien aurait été mieux traité que moi. Je ne compte plus non plus le nombre de fois que l’on leva la main sur moi parce que j’avais volé un morceau de fromage et quelques dollars pour m’acheter des bonbons au petit dépanneur miteux en bas de l’immeuble. J’ai toujours cru que c’était la femme du propriétaire qui avait fait cet appel aux services sociaux d’ailleurs. Que c’était elle qui m’avait arrachée à mon foyer pour ce qu’elle croyait sans doute être quelque chose de meilleur.
J’étais âgée de sept ans et huit mois quand je quittais l’orphelinat avec mes maigres bagages pour la maison des Renfield. Je me souviendrai toujours d’eux la première fois que je les avais vus. Penelope Renfield était une jolie rousse aux yeux émeraude, d’une grande beauté. Elle était directrice d’un petit cabinet d’avocat. Une femme douce bien que sévère, d’une allure froide bien que rieuse, qui ne m’adressa la parole que pour me corriger. Cependant, elle ne leva jamais la main sur moi, elle ne priva jamais de quoi que ce soit. Son mari, Ethan, était un homme d’une cinquantaine d’années, père de deux enfants plus vieux que moi. Il était fonctionnaire pour une compagnie quelconque. Un homme bien, légèrement grincheux. Je ne peux pas dire que cette vie était celle des films. Nous étions loin de la petite famille parfaite, mais c’était mieux que rien. Je sais que quelque part, ils m’aimaient. Bien qu’ils n’étaient pas démonstratifs pour deux sous. Je savais que j’avais été adoptée parce que Penelope ne pouvait avoir d’enfant. Elle avait toujours rêvé d’avoir une fille et Ethan n’avait que deux garçons d’un précédent mariage. Je crois qu’elle voulait plus jouer à la poupée avec moi que vraiment prendre soin de moi. J’eus droit aux plus belles robes, aux plus beaux jouets, à toutes les palettes de roses qui existent. Matériellement, dans cette maison, je ne manquais de rien. Bien qu’on ne m’accorde jamais réellement de temps, qu’on ne me donnait jamais vraiment d’affection. Je ne m’en plaignis pas cependant. Cette famille ne pouvait être pire qu’une autre. Elle était toujours moins cruelle que la précédente. On pourrait croire qu’avoir une deuxième chance m’offrait des possibilités infinies. Une chance de repartir à zéro et d’oublier le mal qui m’avait été fait autrefois. Ce n’est pas ce qui se passa. La crise d’adolescente fut brutale. Un peu trop sans doute. On me poussa à performé toujours un peu plus, me priva de petits plaisirs lorsque je n’avais pas des notes suffisantes. Je n’avais pas de bonnes fréquentations, je sortais avec les garçons avec des réputations de petites frappes. Ceux qui revendent de la drogue, qui font des batailles de chiens dans leur garage. Ceux qui font des graffitis et volent dans les magasins. C’était ma façon à moi de me venger de ce que la vie m’avait fait subir. Je n’étais pas une méchante fille, je ne savais juste pas comment vivre avec ce problème d’identité. Imaginez-vous vivre pendant des années comme si vous étions vouée à devenir une petite rebelle et que soudainement, on vous expédiait dans une famille richissime pour jouer à la parfaite petite Barbie. Il y avait de quoi se poser des questions sur son identité. Surtout que l’adolescence est la période où l’on se cherche naturellement.
Enfant troublée, adolescente rebelle, jeune adulte désinvolte. J’entrai à Oxford, sans doute grâce aux contacts de maman et papa. À leur grand désarroi, je choisis l’informatique plutôt que la médecine ou la chimie. Prenant quelques cours d’art çà et là, sans grand enthousiasme. Je réussis néanmoins avec des notes étonnantes. Il se révéla que les ordinateurs et moi nous parlions le même langage. J’avais toujours eu une facilité pour l’école, sans jamais ouvrir un livre, sans jamais penser à étudier ou à travailler les cours. C’était naturel. Jamais je n’avais songé à ce que je serais capable de faire si un jour je tombais sur une matière qui m’intéressait vraiment. J’imagine que c’est là que je décidais que les ordinateurs seraient ma vie. Sans savoir encore ce que j’en ferais. C’est par hasard, un bon soir de mai, alors que j’étais installée sur la terrasse d’un petit café qu’un jeune homme s’approcha de moi. Il me demanda un truc pas vraiment légal, en échange de suffisamment d’argent pour pouvoir payer mon loyer pendant un mois. Bien entendu, je n’avais pas vraiment besoin de cet argent là. Mes parents étaient riches. Bien que plus le temps passait, plus j’avais l’impression que l’époque où ils me considéraient comme leur propriété était révolue. J’étais grande maintenant. Je ne les laissai plus mener ma vie comme bon leur semblait. Je les avais déçus en ne faisait pas médecine ou droit, j’imagine. Lors des repas de famille, ils étaient toujours un peu froids envers moi. Si différent de leurs relations avec mes frères aînés. J’ignore ce qui me poussa à faire ce geste, cependant j’acceptais. Les notes du type changé dans le système informatique d’Oxford, il ne restait plus qu’à brouiller les pistes, changer d’adresse IP, faire en sorte de ne plus être qu’un fantôme que personne ne retracerait jamais. J’avais cru que cette histoire me retomberait sur le nez un jour où l’autre. Ce ne fut pas le cas. Bien entendu, on le remarqua. On chercha parmi les élèves en informatique le responsable, mais jamais ça ne tomba sur moi. Pas la jeune Renfield, si douce, si innocente, l’enfant de parents si influents. Les choses en entraînant une autre, sans que je ne voie arriver tout ça, je suis passée du piratage de note de mathématiques à celui de compte en banque, à celui d’information ultra-secrète. Passant avec autant de facilité les barrières protectrices du gouvernement britannique que celles de l’université. Un jeu d’enfant. J'imagine que c'est pour cela que je fus recruté par Quartz... Oh bien entendu, aux yeux de mes parents, je ne suis pas ce pirate informatique portant le stupide nom de Pixel. Non. Je suis simplement une jeune femme qui travaille dans le développement de logiciel informatique pour Microsoft ou pour Apple. Quelle importance, puisqu’ils ne font pas la différence! Je ne suis que la tante de leurs petits-enfants, leur fille adoptive. Alors qui suis-je? Pixel. Sans nom. Sans adresse. Sans âge. Une ombre derrière un écran d’ordinateur. Une terreur virtuelle…
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POURQUOI AIMES-TU TANT LE CÔTÉ OBSCUR ? Je ne l’aime pas. À bien des égards, je ne l’ai pas choisi. C’est plutôt l’inverse qui se produisit. Il avait un penchant pour moi, dès le début je présume. L’enfant ne fait que reproduire ce qu’on lui a appris dès son plus jeune âge. Allons, n’allez quand même pas croire que la fille de petites frappes allait devenir le sauveur de la veuve et l’orphelin, si? Je suis simplement là où je suis utile. Là où je devais être depuis ma naissance. Le mal entraîne le mal…
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DANS QUEL DOMAINE OPÈRES-TU ? Le piratage informatique. On me met devant un ordinateur et en moins de cinq minutes, vous avez tous les informations que vous avez toujours rêvé d’avoir. Le numéro du compte de banque de votre voisin millionnaire en passant par l’emploi du temps du Dalaï-Lama en personne où au plan secret du bureau du Président des États-Unis. Ou je pourrais, simplement pour le plaisir, vous créer un petit casier judiciaire… ou l’effacer. À croire que les gens ne comprennent pas quel danger l’électronique peut représenter de nos jours. Tout est si facile à trouver lorsqu’on sait comment s’y prendre…
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POURQUOI ES-TU UN SI BON MÉCHANT ? Je suis discrète, rusée, fiable. Rapide et indéniablement talentueuse. J’aurais fini ma tâche avant même que l’on songe à m’expédier hors du système informatique, avant même que l’on est le temps d’identifier mon adresse IP et sa provenance. Je travaille dans l’ombre, depuis toujours. Intouchable, imparable. Je ne suis qu’un numéro changeant sur un écran d’ordinateur. Un faible signal qui peut paraître au combien inoffensif, mais qui vous réserve nombre de surprises.
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ET QUELS SONT TES POINTS FAIBLES ? Je suis sans doute un peu vulnérable face à l’indifférence. L’abandon. Je n’aime pas que l’on se serve de moi, que l’on m’ignore royalement, qu’on hausse la voix… j’imagine que ces psychologues ne racontent pas que des conneries lorsqu’il s’agit des traumatismes liés à l’enfance.
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PLUTÔT SADIQUE OU RUSÉ ? Rusée. Je n’ai jamais réellement fait de mal à quelqu’un. Du moins, physiquement. Je l’ai déjà dit, je tire les ficelles dans l’ombre. J’ai une victime, une seule et il n’est pas question de la tuer ou de l’amputer d’un bras. Il est question de la manipuler. Puis, dans mon métier, il vaut mieux être rusé, si on ne veut pas qu’on nous trouve en un clic de souris.
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TON OBJET FÉTICHE ? Si je réponds mon ordinateur, ça fait cliché? Sans doute. Pourtant, ce ne serait pas un mensonge. C’est le truc que je traîne toujours avec moi, que personne n’a le droit de toucher à défaut d’avoir deux doigts en moins. Je pourrais également répondre que je tiens énormément au pendentif en forme de libellule que je porte autour du cou. Une vieillerie qui appartenait à une grand-mère que je n’ai vue que deux fois dans toute ma vie.
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PARLE MOI DE TES PENCHANTS AMOUREUX ET DE TA SITUATION ACTUELLE ? Les hommes, sans aucun doute. Bien que je ne sois pas du genre à avoir des relations sérieuses. La peur de l’abandon, celle de l’attachement. Tout ça, ça vous casse l’envie d’avoir un petit ami. Pour moi, ce n’est que des histoires d’un soir la plupart du temps. Sans nom, sans adresse. Rien. Le meilleur moyen de ne jamais être déçu est de ne pas avoir d’attente.
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ET TON PIRE CAUCHEMAR ? Les Clowns? L’eau? Les araignées? Le bogue de l’an 2000? Le calendrier maya? Nah… essayé encore!
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QUE DIRE DU NOM QUI TE DÉFINIT ? Mon nom? Ah. Il est passablement simple, très représentatif. Il définit en somme tout ce que je fais. Pixel. « Picture Element » Oui. Je parle bien de l’unité qui sert à mesurer la définition d’une image numérique. Quand on y pense, c’est quand même mieux que « disque dur » non?
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QUEL A ÉTÉ TON MAUVAIS COUP LE PLUS RÉUSSI ? Infiltré le résaut de la Banque Centrale j’imagine. Ça fait bonne impression.
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ET TA PLUS GROSSE DÉFAITE ? Massacré le résaut de la Banque Centrale? Mais alors carrément? Personne n’est parfait, n’est-ce pas?
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TA PIRE ADDICTION ? La caféine. Sans ces chères graines de café, je ne suis qu’une loque qui avance tel un zombie…décevant!