Vingt-trois heures cinquante-quatre, sacs sur les épaules, quinze ans et quand quelques minutes seize. Seize années sur cette terre, à vivre sans n’avoir connu les bras aimants d’une mère et la voix grave que prend un père pour gronder son enfant. Non les seules choses que la vie m'a offerte c’est une dizaine de familles, passant de l’une à l’autre comme un vulgaire objet duquel on se débarrasse quand il n’a plus de valeur ou qu’il ne sert plus à grand-chose. Mais j’en ai à présent terminé de cette vie, je ne veux plus être cet objet, cette chose, je veux être moi : Eleanor Blackburn et pour y arriver je dois quitter cette ville, quitter cet environnement, tout quitter pour ne plus jamais revenir, ici, à Brighton. Et quoi de mieux que de commencer une nouvelle vie à l’aube d’une nouvelle année sur terre ? Un cadeau d’anniversaire offert par mes soins, un aller simple pour la capitale, Londres, cette ville qui a toujours exercé sur moi une certaine fascination. Le bus que je m’apprête à prendre s’arrête devant moi, il ouvre ses portes, je m’en rapproche, monte la première marche puis jette un dernier coup d’œil à ce monde que je quitte. Adieu Brighton. Il est à présent minuit et deux minutes, j’ai seize ans et je m’en vais vivre une vie meilleure…
Une vie meilleure c’est ce que je pensais il y quatre ans en montant dans ce bus, mais ce joli conte de fées que j’avais en tête s’est vite transformé en cauchemar. M’installer, trouver un petit job et puis pour la suite la petite phrase : « qui vivra verra » ne cessait de résonner dans ma tête. Tout avait plutôt bien commencé, j’avais trouvé ce petit appartement à Soho et non loin de celui-ci un restaurant avait pris le risque de m’engager en tant que serveuse mais bien vite mon petit salaire ne suffisait plus à payer les factures qui s’accumulaient, le loyer que je ne cessais de repousser… Il me fallait trouver une solution pour ne pas me retrouver à la rue et surtout continuer à manger. S’était en rentrant chez moi, cette affiche de couleur rose avait attiré mon attention, puis par la suite cette phrase écrite en gras, qui promettait de l’argent de facilement gagné et en quantité plutôt importante. Je ne savais pas à ce moment-là dans quoi j’allais m’embarquer. Un numéro composait peut changer une vie et celui-ci allait changer la mienne. Escort Girl, voilà le nom de mon nouvel emploi. Tenir compagnie à des hommes plus ou moins fortunés, allant parfois jusqu’à utiliser mon corps pour les satisfaire complètement. Ma vie était réduite à cela satisfaire des hommes, quand on y pense c’est ironique, moi qui rêvais de changement en venant à Londres, de ne plus être un objet que l’on utilise, j’en étais réduite à en être un pour pouvoir vivre. C’est d’ailleurs, lorsque cette pensée me traversait l’esprit que la marijuana n’était jamais très loin de ma bouche, juste pour m’évader, penser à autre chose, me vider l’esprit. Pas addict, j’étais simplement une consommatrice occasionnelle. Tout comme voleuse occasionnellement, voler des tenues luxueuses car dans la société actuelle tout est dans le paraître, et je ne souhaitais pas être relayé dans la case de pauvre, non je rêvais de luxe, de soirées guindées… Mais s’il y a bien une chose que j’ai comprise c’est que les rêves ne réalisent jamais, du moins les miens.
Encore une fois, j’avais tort, les rêves peuvent se réaliser, du moins le mien c’est réaliser. La petite Eleanor vivant dans son appartement à Soho, travaillant en tant qu’escort girl n’est plus. Mais je dois remercier, ce travail, car sans lui je n’aurais jamais rencontré l’homme qui m’a permis à cette vie que je souhaitais tant. C’était il y a trois ans, la sonnerie de mon portable retentit dans mon appartement, j’étais assise sur mon canapé, un joint dans la bouche. Je n’étais pas sensé travaillé ce soir-là, mais à voir le numéro de mon patron sur ma cellulaire, les choses allaient changées et bingo, remplacement d’une collègue tombait malade à la dernière minute. Une heure plus tard, je retrouvais l’homme, face à l’impressionnante demeure, il était facile de deviner que si je réussissais la soirée, la somme à la fin serait conséquente. J’ai alors poussé la porte de l’habitacle, pénétrant à l’intérieur, il était là face à moi, habillé d’un costume dont ma pudeur m’empêche de prononcer le prix, un verre de cognac à la main, son charisme sans égal était vraiment attirant, mais sa la beauté de son visage l’était d’autant plus. Le visage trahissait sa surprise, je m’excusais de l’absence de ma collègue, ce n’était pas vraiment la première fois que j’étais appelé pour un remplacement, alors je sais comment gérer les choses d’autant plus quand les clients ont leur petite protégée. Il ne me restait à présent plus qu’à faire mon travail mais après les premiers mots échangeait je sentis qu’il ne serait pas qu’un n’importe quel client, qu’il ne serait pas n’importe quel homme. C’était la première fois que je me sentais connecté avec un client… Et cette connexion est toujours présente, car je vis maintenant avec cet homme au doux nom d’Alessandro, nous ne sommes pas un couple, je suis simplement une femme vivant de son argent bien que je tienne une place spéciale à ses yeux.
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FONDAMENTALEMENT, TU ES PLUTÔT GENTIL OU MÉCHANT ? Il est impossible d’être ou tout gentil, ou tout méchant. Je ne considère pas comme étant méchante mais d'autres penseront que je le suis à cause de mes fréquentations. Pourtant si je les fréquente c’est que ces personnes dites méchantes ne le sont pas avec moi. Bref je ne peux pas répondre à cette question. Je répondrais que cela dépend du point de vue de chacun.
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ES-TU HEUREUX DANS TON MÉTIER ? Je n’ai pas réellement de métier, du moins il est difficile d’appeler ça un métier mais il est indéniable que ce métier me rend plus qu’heureuse.
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POURQUOI ES-TU UNE PERSONNE AGRÉABLE ? Ce qui fait de moi une personne agréable… Je ne suis pas vraiment quelqu’un d’égoïste, pensée à l’autre, l’écouter, être attentionné envers une personne autre que moi-même est une chose que je privilégie, je n’ai pas oublié d’où je viens, ce qui m’a fait arriver ou j’en suis. Si je peux aider une personne à s'en sortir alors je le ferais. Et si pour cela je dois simplement la faire sourire, je le ferais, car oui je suis plutôt du genre amusante. Il faut aussi rajouter que loyauté et fidélité sont sans égal, envers les personnes que j’aime.
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ET QUELS SONT TES POINTS FAIBLES ? C’est assez simple, ils sont au nombre de trois. L’argent, les vêtements et Alessandro.
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PLUTÔT OPTIMISTE OU PESSIMISTE ? Optimiste toujours. Toujours pensé au meilleur avant de penser au pire.
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TON OBJET FÉTICHE ? Ce n’est pas un objet, il s’agit d’un tatouage, celui-ci se trouvant en dessous de ma poitrine. Il s’agit de la date de mon départ de Brighton écrit en chiffres romains.
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PARLE MOI DE TES PENCHANTS AMOUREUX ET DE TA SITUATION ACTUELLE ? Je suis hétérosexuelle, amoureuse d’un homme qui ne le sais pas et qui ne pourra jamais me retourner ces mots. Alors je me tais l’aimant en silence, acceptant qu’il aille voir ailleurs sans rien dire.
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ET TON PLUS GRAND RÊVE ? Bien qu’il était réalisé, un de mes autres grands rêves serait d’avoir ma propre collection de vêtements.
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ES-TU UN BON CITOYEN DE LONDRES ? Bien sûr, je paie mes impôts, je vote, je suis polie avec tout le monde, j’assiste au vernissage de galerie, aux première de théâtres, opéras... Je n’ai jamais tué personne alors pourquoi ne le serais-je pas ?
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QUEL A ÉTÉ TON CHOIX DE VIE LE PLUS RÉUSSI ? Décider de vivre avec Alessandro et de vivre sous son crochet.
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ET TA PLUS GROSSE DÉFAITE ? Vendre mon corps pour de l'argent...
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TA PIRE ADDICTION ? Les vêtements, les vêtements et encore les vêtements.